Les hommes à peine partis rejoindre les casernes, le 4 août exactement, une affiche arrive sur les murs de Cordes : le gouvernement, par la voix du président du Conseil Viviani, lance un appel solennel en direction des femmes :
« Le départ pour l'armée de tous ceux qui peuvent porter les armes laisse les travaux des champs interrompus : la moisson est inachevée, le temps des vendanges est proche...
Je vous demande de maintenir l'activité des campagnes, de terminer les récoltes de l'année, de préparer celle de l'année prochaine : vous ne pouvez pas rendre à la Patrie un plus grand service… »
Pour les femmes cordaises, cela changeait peu de choses : travailler, c'était leur vie habituelle.
En pays cordais, la culture des céréales n'occupaient pas de très grandes surfaces. Certes il fallait de suite s'occuper des gerbes déjà moissonnées, mais d'une part la plupart des familles avaient l'habitude de battre les grains au fléau ou au rouleau, d'autre part il suffisait d'un peu de coordination pour faire tourner les trois batteuses du canton à Campes et à Labarthe-Bleys.
La nourriture familiale au quotidien était depuis toujours du ressort des femmes : légumes et fruits du jardin, des lapins, un peu de volaille et des œufs. Pas de boucherie, le cochon suffisait, qu'on tuait en famille l'hiver venu.
Nombreux et diversifiés étaient les métiers de l'artisanat, comme dans toutes les bourgades rurales : maréchal-ferrant, charron, maçon, charpentier, sabotier, cloutier, etc... Pour les épouses d'artisans, le problème numéro un n'était pas de produire, mais de garder l'outil de travail en état de marche en attendant la fin de la guerre, car, avec le départ des mobilisés, les commandes ayant quasiment disparu, l'activité économique générale avait subitement baissé. Il faut mettre à part la broderie dont la production continuait, car la majorité des métiers étaient installés à domicile (jusque chez les agriculteurs des environs de Cordes), et c'était un travail qui occupait de nombreuses femmes. De la même façon, les petits commerces ont pu, plus ou moins, survivre, les femmes ayant l'habitude d'y seconder le mari.
Tout le monde pensait que la guerre serait courte, et les femmes ont surmonté le brusque bouleversement de leur vie en se disant que c'était un mauvais moment à passer. La solidarité familiale et l’entraide entre voisins, les deux moteurs de la vie sociale pour faire face aux coups durs de la vie, ont tourné à plein régime. On s'est mis au travail en se serrant les coudes et en essayant d'étouffer un peu cette lancinante angoisse au sujet de celui qui était parti...
Petite consolation : une loi du 5 août fixait une allocation quotidienne de 1,25 franc pour les femmes de mobilisés, plus 50 centimes pour chaque enfant. Une aide certes, mais pas de quoi faire bombance quand on sait que le sucre était à 1 franc le kg et le pain à 0,40 centimes.
En fait, tout a vraiment basculé dans les premiers jours de septembre : descente de réfugiés du nord jusqu'à Cordes, hôpital pour les blessés installé à Carmaux, arrivée de plus en plus fréquente des faire-parts de décès sur le front : autant de signes qui parlaient plus fort que les mensonges de la propagande militaire et disaient que la guerre serait longue et risquait de ressembler à une hécatombe...
Michel Bonnet
Octobre 1914, en deux mois la guerre a déjà tué sept Cordais :- Calvet Emile, le 19 août, à 28 ans
- Souillé Emile, le 20 août, à 25 ans
- Rouquette Fernand, le 27 août, à 27 ans
- Bonnemaison Marcel, le 19 septembre, à 30 ans
- Pailhas Ernest, le 24 septembre, à 39 ans
- Conté Emile, le 26 septembre, à 32 ans
- Journès Emile, le 26 septembre, à 25 ans
Deux autres Cordais portés disparus seront retrouvés plus tard prisonniers en Allemagne :
- Marcié Henri, disparu le 22 septembre, 33 ans
- Valat Emile, disparu le 26 septembre, 30 ans
La permanence du projet 14-18 en Pays Cordais organisée le troisième mardi de chaque mois de 20h à 22h au Centre Social Cordes-Vaour des Cabannes continue.Prochains rendez-vous :
le 21 octobre
le 18 novembre
le 16 décembre.
N'hésitez pas à venir faire un tour.
Et vous pouvez toujours écrire à : michel.bonnet9@sfr.fr