Vie pratique

Environnement

La gazette de la vie de quartier N°4 juillet 2021

Y A D’LA VIE DANS MON QUARTIER !

Rencontre des habitant.e.s référent.e.s de quartiers (Barri, Bouisset, Bouteillerie), des élu.e.s et personnel technique, autour de Rémi Clec’h, animateur-formateur botaniste.

Cette sortie botanique au petit bonheur des rues de Cordes a été proposée mardi 8 juin 2021 par Catherine Manuel, conseillère municipale (délégation biodiversité), dans le but de croiser les gens, les connaissances, les modes de travail. S’est rassemblé au départ du Jardin Royal, par un matin ensoleillé, un beau bouquet de 18 personnes – 3 conseillers municipaux, l’employée aux affaires culturelles et sa stagiaire ; 6 employés à la voirie, au nettoyage, à l’entretien et au fleurissement dont 1 représentant pour Les Cabannes ; 5 habitant.e.s impliqué.e.s dans leur quartier (Qr) et 1 élue de Pennes, 1ère adjointe à l’environnement qui participe à l’accompagnement « zéro phyto ». Nous regrettons que ni Bernard Andrieu ni Patrick Lavagne, tous deux intéressés, n’aient pu se libérer.

Le groupe était piqué de curiosité : c’était l’occasion d’en apprendre un peu plus sur les plantes qui poussent autour de chez nous et parfois… au « mauvais endroit » entre les pavés ou sur les remparts ! Que laisser ? qu’enlever ? pourquoi ? Voilà les questions auxquelles Rémi Clec’h a répondu au fil des pas et de la matinée, avec simplicité et efficacité.

Il nous a d’abord fait observer trois arbres poussant sur le talus face au Jardin le long de la rue de l’Acampadou : le robinier, essence américaine appelé aussi « faux-acacia » dont la première fût plantée en France à côté de Notre-Dame de Paris en 1602 par Jean Robin, et qui a l’avantage de contenir la terre d’un sol pentu ; le marronnier ; et l’ailante, une plante plus nuisible qui éradique tout et gagne facilement du terrain ! Pour Rémi, toute essence locale cependant est à privilégier, comme le sureau par exemple, extraordinaire au niveau herbacées, insectes… Il s’agit donc de contrôler la prolifération. NB : il faut savoir que quand l’épareuse passe sur le talus, elle enlève aussi la couche herbacée, ce qui favorise l’érosion et l’appauvrissement de la flore. Au contraire, en ne fauchant l’herbe qu’au mois de juin et juste deux fois dans l’année, les fleurs reviennent… et les papillons aussi !

Puis nous nous sommes tourné.e.s vers les murs végétalisés du Jardin Royal et celui de la rue sans nom reliant le Planol à la Rue Chaude : y ont été comptées au total plus d’une douzaine de plantes. Le lierre crée un milieu de biodiversité intéressant, mais son problème est sa réputation : on dit qu’il détruit les murs… Elisabeth Coutou nous a partagé qu’à Pennes, les murs du château ont survécu au lierre, bien que recouverts pendant dix siècles. D’autre part des études ont été menées sur les arbres fruitiers et il s’avère que curieusement le lierre ne gagne que les parties malades d’un arbre : en somme, l’un l’autre s’entraident ! Effectivement nous avons pu vérifier un peu plus tard, plus haut sur Les Rampes, que les parties des remparts où le lierre a été enlevé par les employés municipaux au printemps dernier sont bien intactes. Alors, garder le lierre sur les murs ou pas, telle est la question… d’esthétique ! La pariétaire, comme l’ortie, est très reminéralisante et les plus curieux.ses ont goûté ses petites feuilles, que l’on peut manger cuites comme des épinards (à éviter en cas de calculs rénaux). La ruine de Rome, « ça fait sale » dit un employé communal ; un second renchérit : « alors, pour faire propre ? » Rémi leur répond que faire sale ou faire propre, c’est culturel ! Les milieux nus, sans végétation, sont arrivés avec la culture du propre – pour vendre des produits désherbants de grandes marques. Nous savons aussi aujourd’hui avec le recul, que pesticides et substances chimiques sont des perturbateurs endocriniens. Moins on en utilise, plus les hérissons reviennent dans les rues… pour manger les escargots… qui ne mangeront pas vos salades !

La croyance qu’un mur nu est un mur propre est donc bien enracinée dans notre esprit sociétal. Aujourd’hui c’est une nouvelle culture qu’il faut développer : il suffirait de mettre un panneau identifiant, avec nom savant et croquis, chaque plante qui pousse dans ce mur, pour les valoriser, redonnant à cette végétation implantée là naturellement un nouveau sens… « Et en plus ça se mange » ! Chaque région, précise encore Rémi, a ses propres coutumes printanières de cueillette sauvage – comme celle du tamier (les respounchous) dans le pays cordais.

Place à un petit jeu ! QUESTION : quelles plantes laisseriez-vous pousser dans les murs de Cordes, parmi celles vues comme le lilas d’Espagne, la clématite, la campanulacée (à petites fleurs bleues), la lactuca ceriola, la doradine (petite fougère dorée sous sa feuille), la bryone dioïque (cucurbitacée aux racines pivotantes), le sedum âcre, la chélidoine (populairement appelée « herbe à verrue »), l’herbe à Robert (petit géranium qui aime l’ombre) ou encore le nombril de Vénus ?

REPONSE : tou-tes, sauf la clématite à enlever impérativement car sa racine vissante est très destructrice pour la pierre. Cela devrait alléger et cautionner le labeur des employés communaux qui, quotidiennement, se font incendier (sic) par les habitant.e.s mécontent.e.s d’une « mauvaise herbe » poussant au « mauvais endroit ». Comment changer de paradigme, afin que cette même « bonne herbe » (du respect mutuel) pousse au « bon endroit » ? Deux idées germent dans le terreau fertile du groupe : primo, qu’un petit carnet des plantes locales (au format de poche du tablier de jardinier bien sûr !) soit publié et distribué à chaque personne œuvrant aux services techniques du village - ainsi de la reconnaissance pourra être accordé à leur travail de désherbage titanesque. Emmanuel Thomas pourrait y ajouter des photos, sur lesquelles il travaille actuellement. Secondo, qu’un mot du maire soit apposé à côté des panneaux explicatifs égrenés sur certains murs-types de la cité, allant dans le sens du « bien vivre avec le végétal » - ce qui donnera aussi du poids à cette nouvelle manière d’entrevoir le beau du laid. L’exemple du village de Bruniquel est cité, où la mairesse Christiane Soulie a invité les habitant.e.s à faire l’aménagement du village, chacun.e participant à sa porte : les experts des villages sont les gens qui y habitent.

Cette idée vous inspire pour fêter Cordes 2022 à fleurs foisonnantes ? à vos graines, prêt.e.s, semez !

Rémi a enfin fait remarquer quatre plantes sur les pavés comme l’orge sauvage (critèrede beauté versus critère de propreté), le coquelicot (graines diffusées par les fourmis), la crépisse santa (très bonne en salade), et la pécrisse (attention : ne pas la laisser grainer !). Utiliser le brûleur sur les pavés là où ça glisse ? Oui - avec discernement, en veillant à ne pas brûler son énergie ni faire fondre temps et argent. Laisser les jeunes figuiers (sous le porche en ogive au 16 rue des Mitons ou plantés près de la grotte dans la rue Chaude par exemple) ? Non – leurs réseaux racinaires fragilisent le sol susceptible de s’effondrer… : à enlever impérativement !

Au bout de cette promenade de sensibilisation sur les pavés cordais, notre regard avait été transformé par Rémi Clec’h, aux connaissances subjuguantes. Thomas Brabant-Chaix, paysagiste et conseiller municipal, a rappelé que, quand on est propriétaire, on est responsable de sa plante : chacun.e entretient ce qui est à lui. Le travail des employés communaux peut désormais être rendu beaucoup plus facile. Il suffit d’accepter de revivre dans un monde végétalisé comme cela a toujours été ; de mettre en place une gestion raisonnée des murs en pierre sèche (en enlevant les plantes poussant dans le ciment car elles le déchaussent), d’enlever ou pas les herbes, au ressenti de chacun. Et pourquoi pas, un jour de printemps, organiser dans votre Qr, avec vos voisin.e.s, un repas de Qr saisonnier, avec, au menu, les plantes comestibles de votre muret ?