Y A D’LA VIE DANS MON QUARTIER !
Rencontre des habitant.e.s des quartiers du Barri et du Bouisset avec « L’âne qui vole »
Benjamin Follain et sa compagne Vinciane nous ont accueilli.e.s mercredi 26 mai 2021 entre 17 et 19h à l’ancienne Charbonnerie, sous l’Acampadou, pour nous présenter leur activité de reconversion « L’âne qui vole », suite à des plaintes contre leurs cinq ânes laissés en pâturage sur ces terrasses communales - réprobations recueillies lors du porte à porte « Y a d’la Vie dans ton Quartier ? » en mars/avril derniers. Catherine Manuel, conseillère municipale alertée par nos soins, était venue immédiatement sur place constater les dégâts causés par les ânes après plus d’un mois de présence (végétation rasée et écorc(h)ée vive, animaux sauvages détournés de leur réserve naturelle et la source, désagrément des odeurs de crottin et d’urine, mouches, inconfort des riverains dû aux bruits ou à l’empêchement des habituelles promenades à pied avec ou sans animaux de compagnie à cause des clôtures électriques…) : les ânes avaient alors été déplacés sur d’autres parcelles, sur lesquelles ils sont en rotation.
Le couple nous a donc expliqué les tenants et aboutissants de cette convention de location avec la mairie, approuvée en Conseil Municipal pour 100 euros à l’année, moyennant une contrepartie d’entretien des parcelles par les ânes et d’entretien des cabanes par eux-mêmes.
Etaient présent.e.s une dizaine de riverain.e.s, certain.e.s par curiosité pour en savoir plus sur les futures promenades touristiques, d’autres pour entendre une réponse à leur question. Dans l’ensemble les usagers auraient aimé être prévenus par la municipalité de ce nouveau projet (voire mieux, être consultés en amont) : ils n’ont été avertis ni que le chemin serait fermé, ni des problèmes d’urine et crottin... Benjamin et Vinciane n’avaient, eux, pas connaissance des usages des habitant.e.s sur ces sentiers et terrasses, et en distinguent désormais deux : un usage pour les touristes ; l’autre pour les riverains.
« L’âne qui vole » est un projet né il y a 4 ans à Monestiés puis Laguépie, puis Le Garrissou. Ils ont mené des animations locales à la Fête médiévale de Monestiès ou sur les marchés de producteurs à Cordes. Les ânes peuvent être loués pour la randonnée en famille : à partir de 3 ans jusqu’à 12, les enfants les montent accompagnés d’adultes à pied. L’âne a une présence douce et empathique, des qualités de calme et partages qui apportent vraiment à la rencontre. Ils peuvent intervenir également auprès d’un public spécifique (personnes âgées, enfants en difficulté…) pour faire un travail en médiation animale de stimulation des sens ou de reprise de confiance dans l’interaction -plus rassurante qu’avec un être humain : par exemple, un âne est allé dernièrement « rendre visite » à l’unité Alzheimer de l’E.P.H.A.D. de La Mazière.
La difficulté majeure pour Benjamin et Vinciane est l’accès à la terre. Ils ont besoin de stabilité et espèrent que ce nouveau lieu de l’Ancienne Charbonnerie leur permettra à long terme de développer leur activité, et d’expérimenter des ateliers participatifs avec les cordais.e.s. (par exemple refaire l’escalier, débroussailler, installer des bancs en palette ensemble...). L’entretien des lieux sur la bande entre les deux escaliers ne faisant pas partie de la convention de location, on peut envisager quelque chose de collectif (ex. : un espace dégagé et clôturé pour lâcher les chiens...). Quand les ânes partent en rotation ailleurs, le crottin peut être ramassé par les riverains et utilisé sans attendre dans leurs potagers : c’est une ressource première directe. Autre apport : les toilettes sèches construites par le couple pour les touristes seront mises à disposition des habitant.e.s aussi, tant qu’il y a respect de leur état de propreté. Le couple a à cœur de maintenir la communication avec les gens locaux.
Questions :
« Est-ce vraiment destructeur pour les arbres ? » Pour les frênes oui, sans doute. Les ânes sont restés deux mois ici, un peu trop longtemps. Ils n’auront accès à ces terrasses que quinze jours au printemps, et de juin à septembre. Mais ils ont aussi mangé des ronces, donc la biodiversité en-dessous peut émerger. Les ânes ont une âme de défricheurs ; ils se font des cabanes naturelles pour s’abriter du vent… On veut leur laisser faire leur appropriation, sans humaniser leurs espaces à eux : ça permet de préserver l’aspect naturel.
« Pourquoi le sentier a-t-il été fermé alors qu’il est sentier ? » C’est une fermeture qui reste temporaire. On peut imaginer une signalétique (présence/absence des ânes, donc clôture électrique activée ou désactivée) ou un chemin central toujours ouvert, ou encore afficher un calendrier trimestriel de présence. En résumé, dès qu’il n’y a plus d’ânes dans l’enclos, les poignets sont ouvertes et il n’y a pas d’électricité.
Au final, l’esprit de la compagnie, c’est que l’âne, n’étant ni domestique ni sauvage, fait une passerelle entre ce que les humains contrôlent et ce qu’ils ne contrôlent pas - l’humain, lui, a mis la nature hors de son espace. L’arrivée des ânes a pu apporter de la conscience sur la richesse des terrasses naturelles aux pieds de la cité. L’écopâturage est aussi un moyen de préserver contre les incendies d’été – la folle avoine a été mangée ! Enfin nous avons tou.te.s constaté avec soulagement que ce paradis naturel, confus, sauvage qui ne nécessite pas de « réensauvagement » (‘rewilding’) car tout y est, s’est déjà refait une santé. Peut-être qu’un jour, les ânes, quand ils seront absents, manqueront aux habitant.e.s ?!